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L’EMDR pour traiter le stress post-traumatique, vraiment ?

L’EMDR est une psychothérapie par mouvement oculaires qui cible les mémoires traumatiques des individus. Comment expliquer ses effets bénéfiques pour lutter contre le stress post-traumatique ? Cette thérapie peut-elle être utilisée pour le traitement d’autres troubles psychiatriques ? Canal Détox fait le point. Source: Inserm Salle de Presse. Texté rédigé avec le soutien d’Isabelle Chaudieu, chargée de recherche à l’Inserm (Institut des neurosciences de Montpellier) ; et Stéphanie Khalfa, chargée de recherche au CNRS (Laboratoire de neurosciences cognitives, Marseille)

De nombreuses études rigoureuses et méta-analyses ont été publiées au cours des 25 dernières années pour valider l’efficacité de l’EMDR dans le traitement des troubles de stress post-traumatique

C’est en 1987 que l’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing ou « désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires ») est pour la première fois décrite dans des publications scientifiques par la psychologue américaine Francine Shapiro.

D’abord testée chez des personnes souffrant de souvenirs traumatiques, par exemple des vétérans de la guerre du Vietnam, cette psychothérapie par mouvement oculaires (voir encadré pour plus de détails) cible les mémoires traumatiques des individus. En d’autres termes, elle vise à traiter les conséquences psychologiques, physiques ou relationnelles liées à un traumatisme psychique.

Si le protocole utilisé peut sembler un peu extravaguant pour ceux qui ne seraient pas familiers de l’EMDR, de nombreuses études rigoureuses et méta-analyses ont été publiées au cours des 25 dernières années pour valider son efficacité dans le traitement des troubles de stress post-traumatique. Au point qu’en 2013, l’Organisation mondiale de la santé mentionnait l’EMDR comme une alternative valide aux thérapies comportementales et cognitives plus classiques.

Mais comment expliquer les effets bénéfiques de l’EMDR pour lutter contre le stress post-traumatique ? Cette thérapie peut-elle être utilisée pour le traitement d’autres troubles psychiatriques ? Et quelles questions demeurent encore en suspens ? Canal Détox fait le point.

EMDR et troubles psychiatriques

De nombreuses études cliniques contrôlées et randomisées montrent que l’EMDR est efficace pour traiter les troubles de stress post-traumatique, donnant de très bons résultats par rapport à l’absence de traitement ou à d’autres approches pharmacologiques ou psychothérapeutiques. En outre, plusieurs méta-analyses ont ensuite confirmé l’efficacité clinique de cette approche. Ces recherches et évaluations ont permis de montrer des améliorations comparables pour l’EMDR à celles obtenues avec les thérapies cognitives et comportementales qui sont aussi indiquées pour le traitement des troubles de stress post-traumatique.

Ces résultats prometteurs ont poussé des équipes de recherche à étudier les effets de l’EMDR pour le traitement d’autres troubles psychiatriques. Dans ce contexte, l’intérêt de l’EMDR est à nuancer : plusieurs études sont limitées par des biais méthodologiques et les résultats sont mitigés. Il est important de souligner que l’EMDR n’est pas une approche thérapeutique miracle qui pourrait « tout soigner ». En effet, la technique cible les traumatismes psychiques – or ces derniers ne sont pas forcément caractéristiques de tous les troubles psychiatriques.

Cependant, ces dernières années, des progrès ont été faits pour mieux comprendre des pathologies comme la schizophrénie et la dépression, montrant qu’un souvenir traumatique peut parfois être un facteur déclenchant ou aggravant. Dans ce contexte, l’EMDR pourrait donc être utile pour compléter d’autres approches thérapeutiques et pharmacologiques proposées à certains patients, améliorant un peu plus leur santé mentale en travaillant sur le ou les traumatismes associés à leur pathologie.

Quelques résultats qui vont dans ce sens commencent à émerger. Pour les consolider, les recherches doivent se poursuivre, avec des études cliniques plus larges.

Mécanismes d’action encore à l’étude

Comment cette thérapie fonctionne-t-elle et d’où proviennent les bénéfices observés chez les patients atteints de stress post-traumatique ? Cette question demeure centrale à l’heure actuelle pour bien comprendre les effets de l’EMDR et étendre ses applications – et il n’y a pas encore de réponse claire, même si des résultats intéressants ont récemment été obtenus.

Tout d’abord, plusieurs travaux ont été menés en s’appuyant sur des études chez l’animal ou sur des approches d’imagerie cérébrale pour mieux comprendre les bases neurobiologiques des souvenirs traumatiques et ainsi mieux appréhender les effets de l’EMDR sur le cerveau.

De plus, des travaux en neuro-imagerie menés par une équipe française ont montré que les stimulations pratiquées pendant la séance d’EMDR activent et synchronisent de larges réseaux de neurones localisés dans des structures cérébrales impliquées dans le traitement émotionnel de l’information et dans la mémoire. Ce processus favoriserait la transformation des réseaux de neurones qui sous-tendent le souvenir traumatique et en atténuerait la portée en permettant au patient de mieux intégrer l’information selon laquelle il est désormais en sécurité.

Une autre piste souligne que l’EMDR reproduirait les saccades oculaires observées dans le sommeil paradoxal (Période durant laquelle l’activité cérébrale est proche de celle de la phase d’éveil.

)et activerait donc les mêmes mécanismes que cette phase du sommeil. Or, on sait que cette phase du sommeil remplit de nombreuses fonctions et notamment la consolidation de la mémoire. Alors que le sommeil des personnes souffrant de stress post-traumatique est souvent perturbé, l’utilisation de l’EMDR permettrait de rétablir des mécanismes normaux de consolidation des souvenirs, en réduisant leur portée traumatique. Autrement dit, l’EMDR reproduirait ce que le cerveau fait pendant le sommeil paradoxal pour l’aider à traiter les informations d’une manière plus appropriée.

Répondre aux interrogations

Les recherches se poursuivent donc pour répondre à certaines questions prioritaires. Parmi elles : les effets bénéfiques de l’EMDR se maintiennent-ils à long terme ? Et sont-ils aussi observés chez les enfants ? Par ailleurs, comme toutes les thérapies, l’EMDR ne fonctionne pas sur tout le monde. Pour les chercheurs, il est important de continuer à étudier les origines des différences interindividuelles face à cette thérapie.

Un autre axe de recherche part du constat que la plupart des thérapies proposées imposent de repenser et de revivre le souvenir douloureux. Par conséquent, le taux d’abandon de ces thérapies est généralement élevé. De nombreux patients ne vont pas jusqu’au bout.

Les scientifiques testent donc des approches afin de s’atteler à ce problème, en étudiant par exemple si le fait de combiner l’EMDR avec certains médicaments qui agissent sur le stress pourrait être plus efficace. Mise en place en France, la thérapie MOSAIC fondée sur l’EMDR tente aussi d’apporter une solution, son principe étant justement d’éviter au patient la souffrance liée à l’exposition des mémoires traumatiques. Cette thérapie s’appuie des stimulations bilatérales alternées (saccades oculaires, stimulations acoustiques ou tactiles) pour permettre aux mémoires traumatiques d’être reconsolidées en s’intéressant aux solutions plutôt qu’aux problèmes.  

Si l’EMDR reste donc un objet d’étude pour les scientifiques, les dernières décennies ont permis de confirmer son utilité dans certains contextes, particulièrement pour aider les patients à dépasser leurs souvenirs traumatiques. L’EMDR ne doit cependant être pratiquée qu’avec un praticien certifié. Seuls les psychothérapeutes, psychiatres et psychologues peuvent se former à l’EMDR mais de nombreuses formations imitant cette pratique fleurissent sans qu’il y ait de contrôle. En 2010, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) insistait déjà sur ce point, signalant le risque d’emprise en cas de thérapie EMDR effectuée sans l’appui d’un professionnel correctement formé à la méthode.

Texté rédigé avec le soutien d’Isabelle Chaudieu, chargée de recherche à l’Inserm (Institut des neurosciences de Montpellier) ; et Stéphanie Khalfa, chargée de recherche au CNRS (Laboratoire de neurosciences cognitives, Marseille)


L’EMDR, une efficacité aussi miraculeuse que mystérieuse

Source
Unicom Communication & Médias
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CH-1700 Fribourg

Traiter le stress post-traumatique au moyen de l’EMDR a fait ses preuves, mais les mécanismes qui se cachent derrière cette technique thérapeutique restent mal connus. Trois chercheuses de l’Université de Fribourg suspectent la mémoire de travail de jouer un rôle crucial.

Une personne qui subit une agression risque fort de subir un traumatisme psychologique. Celui-ci peut se manifester par des crises d’angoisse, des flash-back ou d’autres symptômes physiques ou émotionnels, mais des solutions thérapeutiques existent! C’est en 1987 que Francine Shapiro a inventé l’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing). La psychologue américaine remarque alors, presque fortuitement, qu’elle parvient à retirer la charge émotionnelle des pensées négatives qui l’assaillent en effectuant des mouvements oculaires répétitifs. Surprise, elle teste ensuite cette technique sur des volontaires, puis des vétérans de la guerre du Vietnam souffrant d’état de stress post-traumatique. Les effets de l’EMDR se révèlent étonnants, même si les mécanismes en cause restent quelque peu mystérieux.

Limitation du processeur?
Dany Laure Wadji, Chantal Martin Sölch et Valérie Camos, du Département de psychologie de l’Université de Fribourg, ont souhaité vérifier l’hypothèse dite de la mémoire de travail. Celle-ci postule que la séance d’EMDR, en impliquant une double-tâche, celle de se remémorer un souvenir traumatisant et d’effectuer simultanément des mouvements oculaires, aurait pour effet de saturer la mémoire de travail. C’est cette compétition pour des ressources limitées de mémoire qui serait à l’origine d’une perte de vivacité des souvenirs traumatisants. «Le thérapeute demande à son patient de se concentrer sur un souvenir tout en lui imposant une tâche secondaire, explique Chantal Martin Sölch. En réduisant son attention, cette tâche secondaire provoquerait une récupération incomplète du souvenir, ce qui aurait pour conséquences d’en atténuer le niveau d’émotion.»

Méthode de travail
Pour vérifier cette hypothèse, les chercheuses fribourgeoises ont utilisé les données des onze études publiées sur le sujet qu’elles ont divisées en deux catégories, la première impliquant des participant·e·s présentant des troubles de stress post-traumatique, la seconde avec des participant·e·s qui en sont dépourvu·e·s. Il en ressort que la double-tâche permet une plus grande réduction de l’intensité émotionnelle d’un souvenir que lorsque les participant·e·s ne sont soumis·e·s qu’à une seule tâche (par exemple, se concentrer uniquement sur un souvenir douloureux, mais sans devoir faire de mouvements oculaires). « Ces résultats suggèrent que l’hypothèse de la mémoire de travail est pertinente, se réjouit Dany Laure Wadji. Quand un individu se remémore un souvenir traumatique tout en effectuant une tâche secondaire, cela détourne son attention et entraîne une réduction de l’émotivité, une meilleure digestion d’un traumatisme en somme, et également une réduction des symptômes éventuels.»

Implications cliniques
L’analyse fribourgeoise confirme ainsi que toute tâche nécessitant des ressources attentionnelles, qu’elle soit visuelle ou auditive, pourrait favoriser la désensibilisation d’un souvenir traumatique. « Il faut cependant se montrer prudent quant au niveau de difficulté de la tâche distractive, avertit toutefois Valérie Camos, mais aussi garder à l’esprit que les changements induits par l’EMDR peuvent disparaître avec le temps, ainsi que l’ont montré deux études.» Confirmant l’hypothèse du rôle de la mémoire de travail, cette étude ouvre la voie à de futures recherches susceptibles d’examiner ce mécanisme à une plus large échelle et dans un cadre clinique.

Lire l’article paru dans BMC Psychology


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