Interview du Dr Roxane COLETTE Psychiatre,
par Laurent GROSS

Bonjour Roxane et merci pour cette petite interview sans prétention. Déjà, nous sommes très fiers et très heureux en tant que formateurs, de voir une ancienne élève du CHTIP (Collège d’Hypnose et Thérapies Intégratives de Paris) publier, ce qui est quand même très rare. En hypnose certes, il y a eu des publications des anciens étudiants, mais là, tu es vraiment la première ! Et je dis bravo ! Et c’est pour ça que je voulais te poser la première question : qu’est-ce qui t’a poussé à écrire ?

Ce qui m’a motivée à écrire est mon grand étonnement face aux résultats très positifs obtenus en IMO. Ma grande surprise face aux résultats obtenus quotidiennement avec des patients de tout âge, de toute provenance sociale, de vécu tellement différent ; certains avec de gros traumatismes, d’autres avec simplement des blocages affectifs ou émotionnels dans leur quotidien, et de voir que l’IMO venait résoudre leurs problématiques dans plus de 80 % des cas et ceci, seulement en l’espace d’une, voire 2 séances…

Donc pour toi aussi c’est 2 à 3 séances ?

 Oui, c’est un nombre moyen de séances que je fais. Sur un gros traumatisme, qui peut être une agression sexuelle, un décès brutal, un attentat où là, effectivement, je suis amenée parfois à proposer 3 séances. Pour le reste des problématiques, une à deux séances suffisent généralement à aider une personne à sortir d’un blocage (que ce soit un petit maux comme un grand traumatisme). Et quand je constate cela dans mon quotidien, je me dis « mais ce n’est pas possible d’être si peu nombreux à pratiquer ça, il faut absolument que nous soyons plus nombreux, il faut absolument que le commun des mortels puisse savoir que cette solution existe et qu’une personne qui souffre depuis longtemps, parfois qui continue à souffrir après plusieurs années de thérapies, puisse se dire « mais voilà je n’ai pas tout essayé, il me reste encore de l’espoir ! » C’est un message d’espoir. Voilà pourquoi j’ai voulu écrire ce livre.

Tu évoquais un chiffre de 80% … D’amélioration par rapport à l’ensemble des autres thérapies ?

 En fait, je te disais que je n’avais aucun patient qui ne répondait pas à l’IMO. Ils répondent tous, et si je devais quantifier un minimum obtenu en terme d’efficacité, ce serait 80%. Et ceci est bien un minimum ! D’accord, ce qui est donc 10 points au-dessus du chiffre classique et traditionnel de l’efficacité de toutes thérapies, je crois que c’est de l’ordre de 60%, et quoi que tu fasses tu as 60% de choses positives qui se passent, avec des outils thérapeutiques non spécifiques. Donc à 70% on est quand même déjà largement au-dessus

 

Une question qui me tient à cœur… Dans l’enseignement que penses-tu qu’il faille avoir comme prérequis pour venir se former en EMDR – IMO ?

Alors en premier lieu, il faudrait avoir une approche thérapeutique, à savoir au-delà de l’intérêt humain porté à la souffrance et aux patients, à considérer les patients non pas comme des clients, mais comme des patients.
Oui j’insiste parce qu’il faut avoir les « épaules pour », et « les épaules » c’est à la fois selon moi, un recul sur sa propre histoire personnelle, d’où un travail à faire sur soi-même, et c’est pour ça que dans ma préface, j’ai estimé que c’était important de dire officiellement que j’avais vécu un trauma, et que j’avais fait un travail sur moi, à la fois parce que j’ai connu l’EMDR par ce biais, mais qu’en plus je peux me mettre plus facilement à la place de l’autre étant donné mon vécu, et enfin parce que je suis plus solide maintenant pour pouvoir accompagner les gens.

Oui tout à fait et j’ai bien apprécié cette préface, avec cette mise à nue en quelque sorte.

Exact, tout à fait. J’ai aussi envie de te dire que je serai tentée d’élargir l’accès à l’IMO à tous les professionnels présentant des aptitudes d’écoute et d’empathie ainsi que l’intérêt à aider autrui à dépasser ses blocages et non à limiter la formation aux médecins et aux psychologues. Je crois qu’à partir du moment où on a la vocation d’aider, on peut légitimement s’inscrire dans une démarche de soin et se former. Se former c’est d’abord aborder l’étendu du psychisme à travers les processus inconscients qui sont très présents dans les blocages et les réactions émotionnelles quotidiennes et d’apprendre à faire des liens entre le conscient et l’inconscient.
Il me parait donc essentiel d’avoir une certaine culture en psychologie et une approche des thérapies brèves. L’hypnose ericksonnienne a été pour moi le premier outil puissant offrant une passerelle entre conscient et inconscient. Je crois que le fait d’avoir commencé au CHTIP par l’hypnose m’a fait énormément progresser et a permis de mieux me préparer aux thérapies par l’EMDR et l’IMO. C’est vrai en fait que dans l’autre sens, ça n’aurait pas été aussi simple ni aussi cohérent.

 

Parce qu’en EMDR – IMO, il y a énormément de mouvements hypnotiques et quand tu comprends ce qu’est l’hypnose et ce qu’est un état de transe, tu peux comprendre tous les mécanismes de dissociation qu’il y a avec les mouvements oculaires.

 Absolument, en fait pour moi, c’est presque une condition obligatoire à minima.

Oui une bonne formation en EMDR – IMO, c’est d’être passée d’abord par l’hypnose et puis les thérapies brèves orientées solution. Donc, c’est vraiment quelque chose qui arrive en fin de parcours en fait. Un des autres intérêts à être formé en thérapie brève dans un premier temps est d’acquérir des outils de thérapeute et donc d’être mieux armé à prendre en charge un patient en EMDR – IMO. Il faut bien avoir en tête qu’en EMDR et en IMO, on aborde des choses très intimes et profondes, avec des souvenirs parfois très refoulés qui remontent brutalement dans le conscient. De ce fait, il est primordial d’avoir les « épaules » thérapeutiques pour prendre en charge ça. Encore là, la pratique de l’hypnose permet de sortir plus facilement un patient d’un état d’abréaction dans lequel il peut se retrouver au cours d’une séance d’IMO. Via la connaissance de mouvements hypnotiques, il est alors possible d’apaiser rapidement le patient.

Oui, absolument c’est indispensable à mon sens, ça fait partie du couteau Suisse du thérapeute.

Alors, est-ce qu’on va avoir la chance de pouvoir t’accueillir chez nous, chez Hypnotim et In-Dolore, afin que tu viennes transmettre ton expérience ?

Oui, je suis très enthousiaste à l’idée de venir transmettre ma passion et mon expérience depuis que je suis diplômée ; de transmettre en live mon ressenti, ma pratique de l’IMO, qui est la mienne évidemment, et qui s’est peut-être écartée de ce que j’ai appris en formation avec vous, au CHTIP* à l’époque. Alors oui, venir quelques heures transmettre sur ce qu’est ma pratique de l’IMO aujourd’hui, le choix de mes mots clés et la manière dont je fais les mouvements à un moment, ou la manière dont je dégage une problématique avec un patient suite à un entretien psy, ou la manière dont je fais un entretien au préalable à une séance de IMO. Il est vrai que j’argumente pas mal dans mon livre sur l’art de mener à un entretien préalable à tout travail en EMDR – IMO et sur la nécessité vitale d’en dégager des indications ou les contre-indications. Justement à ce sujet, ce qui me semble important à mentionner, c’est la plus grande flexibilité, adaptabilité de la formation IMO par rapport aux formations très protocolaires des « instances reconnues officiellement » par EMDR Europe. Si nous nous permettons d’avancer cette notion, c’est parce que depuis des années, bon nombre de praticiens officiellement formés par EMDR France ou Europe, viennent ensuite se former en EMDR – IMO et nous le disent.

Et ceci est aussi vrai pour les approches non protocolaires comme les nôtres, développées par d’autres psychiatres, comme : Eric Bardot avec l’HTSMA (Hypnose Thérapies Stratégiques et Mouvements Alternatifs) ,Yves Doutrelugne avec les MATH (Mouvement Alternatifs en Thérapie et Hypnose) , ou Dominique Megglé avec les MAY (Mouvements Alternatifs des Yeux).

La grosse différence avec nos formations par rapport à EMDR France, c’est que nous demandons comme pré-requis, d’être professionnel de santé et formé en Hypnose. C’est aussi la raison pour laquelle, nos formations sont plus courtes (3 jours), puisque l’intégration de ces outils est déjà faite en préalable.

Et puis pour ceux qui voudraient une formation complémentaire en hypnose et thérapies orientées solution, pour ceux qui voudraient approfondir leurs compétences dans ces domaines, notre consœur Laurence ADJADJ a monté depuis quelques années une formation sur 8 jours, très intégrative, sur Paris et Marseille. *

– Très bien… Et au cours de la formation, comme on y intègre l’hypnose et les thérapies brèves, on comprend mieux ce qui se passe pour le patient.
C’est important que nous insistions sur la nécessité d’être formé sur les 3 approches qui se regroupent, qui facilitent la formation. Personnellement, je ne regrette pas du tout d’être formée à l hypnose en parallèle parce que ça m’aide tellement. Je m’en rends compte vraiment dans ma manière d’appréhender un patient et parfois aussi dans la manière de le prendre en charge. Je peux par exemple terminer par une séance d’hypnose, parce que ça peut arriver d’en avoir besoin bien entendu.

On est entièrement d’accord d’ailleurs, du fait que lorsque les praticiens font de l’EMDR, ils ne se rendent pas compte qu’ils font de l’hypnose, et c’est dommage parce qu’il faudrait épaissir ce côté hypnotique pour avoir un résultat. C’est pour cette raison que je suis une fan du concept de la dissociation et j’ai adoré l’expliquer autant dans mon bouquin et ailleurs. Et d’ailleurs j’ai eu beaucoup de compliments de patients qui pourtant ne sont pas médecins ni thérapeutes. Ils m’ont dit « Ah j’ai super bien compris vos explications sur la dissociation et je me suis identifiée dans tel truc j’ai compris pourquoi dans tel moment j’étais comme ça ». Et tu vois, ça leur a apporté une compréhension d’eux-mêmes en fait.

Et je pense qu’on ne peut pas ne pas comprendre que tout est phénomène hypnotique et qu’effectivement l’hypnose, c’est bien de la dissociation mentale nécessaire pour pouvoir cheminer jusqu’à l’inconscient et ça c’est dommage que ce ne soit pas bien perçu par ceux qui pratiquent l’EMDR de façon très protocolaire.

Peut-être « les anciennes écoles » peut-être pas les jeunes générations, maintenant je pense que ça a changé au niveau de la pratique de l’EMDR « pure » en France.

Si on reprend les prérequis qui sont demandés dans les instances EMDR France, il faut être médecin ou psychologue mais on ne va pas prendre d’autres professionnels de santé qui eux sont formés à l’hypnose. C’est vraiment une valeur ajoutée dont ils se privent, justement parce qu’ils sont hypnothérapeutes. Je voulais sortir justement de ce schéma de pensée que je trouve trop réducteur. Ce n’est pas du tout valorisant pour les autres corps de métiers qui sont dans le soin et l’accompagnement. Selon moi, ce qui devrait compter pour être un bon praticien, c’est notamment l’alliance thérapeutique.

Mille fois d’accord avec toi.
Notre conception a toujours été d´ouvrir l’EMDR – IMO à tous les professionnels de santé. Par exemple, un bloc opératoire est un lien traumatogène, alors pourquoi ne pas apprendre aux anesthésistes à travailler sur le psychotraumatisme ?
De la même façon, un kinésithérapeute va recevoir des patients traumatisés (syndrôme algoneurodystrophique par exemple, périnée traumatique etc…), alors pourquoi ne pas leur apprendre aussi à travailler sur le psychotraumatisme ? Pourquoi ne pas avoir les outils nécessaires pour travailler sur l’annonce passée d’un diagnostic de cancer et l’aider en même temps au sevrage tabagique ?
Tant que le soignant, professionnel de santé, reste dans les limites de sa profession et dans son espace de compétences, pourquoi l’en priver ?
Roxane, je te remercie de ces instants passés ensemble, et je te dis, à bientôt en formation à Paris avec nous.

Merci Laurent, et à bientôt…

“Petits maux, grands traumas “
De l’EMDR à l’IMO une nouvelle voie de guérison
de Roxane Colette (Auteur)

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